E3 2006 : Interview de Laurent Fisher par GameKult

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Laurent Fischer était directeur Marketing chez Nintendo France. Désormais il occupe le poste au niveau de Nintendo Europe. GameKult lui a posé quelques questions :

Que retenez-vous de la conférence Nintendo ?

Je me rappelle de l’image d’avoir M. Iwata, M. Miyamoto, M. Fils-Aimé et un monsieur qui venait de la salle, tous les quatre en train de jouer au tennis, avec la banane, et que 3.000 personnes étaient en train de se marrer. Pour moi c’est ça l’image, c’est ça le résumé, c’est… tout.

Et par rapport aux conférences des deux autres constructeurs ?

Ce qui m’a paru évident, c’est que l’on a une proposition unique. Dans le cas des conférences Sony ou Microsoft, on parle de la même ligne de développement vers plus de graphismes et plus de puissance, et ca me donne l’impression d’un bloc unique, d’une proposition de jeu vidéo qui tourne autour de titres qui semblent relativement proches les uns des autres. Il est important, d’avoir ce type de jeux là et c’est bien qu’il y ait des gens qui proposent ce type de développement mais là j’avais vraiment l’impression d’un gros bloc qui s’auto-concurrence dans le line-up de chacun des deux constructeurs et que, finalement, l’un et l’autre étaient exactement assis sur la même chaise. Et cela, autant au niveau du jeu vidéo qu’au niveau des autres propositions, qu’il s’agisse du online et de la convergence multimédia, qui suivent les intérêts propres à ces entreprises. Pour Sony ce sera de la musique et du cinéma, puisqu’il s’agit de leur catalogue. Quant à Microsoft, ils veulent tirer profit de leur présence dans l’univers PC et dans l’univers du software pour continuer à avoir une emprise sur le foyer tel qu’ils l’ont déjà au niveau professionnel par exemple. Quand on regarde ce bloc-là, je suis persuadé que tout le monde a bien vu à quel point on n’est pas en train de parler de Next Generation pour notre console, mais bien d’une nouvelle génération. On est complètement sorti de la logique traditionnelle pour parler d’une proposition unique, incroyablement innovante.

Une nouvelle génération ?

Je suis peut-être un peu trop enthousiaste, mais je parle même d’une deuxième naissance. Depuis la création de l’industrie du jeu vidéo, on est pour la première fois à la croisée des chemins. Jusqu’ici, on a tous développé en fonction du “j’aurais besoin de plus de puissance pour arriver à cet objectif-là.” Je pense que la génération actuelle a déjà accompli énormément de prouesses en termes de graphismes et je ne pense pas que cette puissance supplémentaire va beaucoup apporter ou modifier ce qui a été fait sur la génération actuelle. Quand on regarde Resident Evil 4 sur GameCube, je ne pense pas qu’avec plus de puissance ou plus de graphismes on aurait infiniment plus de plaisir à y jouer. Je ne pense pas que c’est le fait d’augmenter le nombre de rayures sur la carrosserie d’une voiture qui va faire venir les gens au jeu vidéo. Ce qu’on sait, par contre, c’est que c’est un frein énorme à la créativité : chacune des choses que l’on a envie de mettre dans ce jeu vidéo signifie un temps de développement monstrueux pour des équipes monstrueuses. En amont de ça, avant de se lancer dans une logique de développement next generation (au sens de nos concurrents), je pense qu’il y a beaucoup de risques qu’on ne peut plus prendre : il faut une vraie expérience interactive vidéoludique unique qui se renouvelle, sinon le consommateur va finir par se détourner. La Wii est là pour ça, et en ce sens, elle est absolument révolutionnaire.

Pouvez-vous dès à présent tirer un bilan de votre présence sur le salon ?

Pour sa première sortie officielle avec des jeux jouables, il était important pour nous de faire passer tous les messages Wii. Le fait de voir ces quatre personnes qui sont pour trois d’entre elles très importantes – y compris dans la logique financière puisqu’elles sont au board administratif de la société – s’amuser commme des petits fous sur la scène, c’est un très bon résumé pour faire passer le message qui est derrière la Wii. Quant au stand proprement dit, on y trouve 27 jeux, uniques et différents, capables de montrer à quel point le champ du développement de la création est ouvert et en plus à quel point il est possible de le faire dans des délais rapides et avec une qualité incroyable. Zelda et Mario prouvent que la Wii est loin d’être un gadget, et qu’il est incroyablement fort de pouvoir jouer à ces jeux avec cette manette. Mais nous avons démontré que nous avions aussi des jeux universels, comme le tennis, le golf ou encore Wario Ware. On est capable sur ce stand aujourd’hui de faire jouer les core gamers, les fans de Nintendo, les core gamers non fans de Nintendo et les non joueurs absolus. Etant donné qu’il s’agit là de notre volonté, et que l’on voit tout cela se concrétiser sur notre stand, c’est très rassurant pour nous. On a encore beaucoup de travail à faire, de concepts à trouver, et les développeurs du monde entier, qui débordent d’imagination, en ont encore beaucoup à utiliser. Tout cela il va falloir le faire vivre auprès du grand public, et je pense qu’aujourd’hui, on a bien réussi à le faire.

Vous avez cependant été un peu chiche au niveau des détails du lancement.

L’objectif c’est que la Wii soit lancée dans le monde entier – sans notion de simultanéité – en 2006. Effectivement on ne veut pas communiquer plus avant sur des dates, ni sur des line-ups (même si l’on sait que Zelda sera disponible entre autres au lancement) parce que ce n’était pas le propos de cette conférence. Il s’agissait de signer un bel acte de naissance au grand public à la Wii et de bien faire comprendre en profondeur ce qu’on voulait faire. Il fallait pour cela une phase préalable d’explication et une seconde phase de jeu. Quant au prix de la Wii, nous avons fait une déclaration, et le mot utilisé en anglais est le même que celui qui a été utilisé pour le lancement de la DS : affordable. Il s’agira d’un prix raisonnable, accessible. Notre discours a toujours été suivi dans les faits, et la DS est sortie à un prix grand public. On ne parle pas de fourchette de prix, on prend l’engagement d’avoir un prix raisonnable.

Et en ce qui concerne le prix des jeux, on reste dans la même logique ?

Absolument, on n’est pas en train d’essayer de faire augmenter les tarifs des jeux, absolument pas. On pourra comparer les prix des titres sur Wii au prix des titres sur GameCube.

Comment avez-vous réagi à la présentation de la manette PlayStation 3 et son système de “gyroscope” ? Est-ce que cela vous a fait sourire, grincer des dents, est-ce que cela vous a conforté dans votre volonté de ne pas rapidement tout dévoiler ?

C’est vrai que je me suis dit, d’une certaine façon, le moins on en dit, le mieux on se porte. Mais je pense que je n’ai aucun commentaire à faire sur la manette de la PS3 : il suffit de mettre son nez dans les journaux, sur internet ou dans les forums pour se rendre compte que cette fonctionnalité n’est pas un atout pour eux.

Quel est votre sentiment sur cet E3, d’une manière générale, et de vos concurrents en particulier ?

Ce que j’ai vu m’a clairement conforté dans l’idée qu’on était plus du tout dans le même univers. Les deux autres constructeurs sont dans une logique de poursuite du développement sur les mêmes bases (plus de puissance, plus de graphismes). Cela rend d’autant plus évident la nécessité pour nous d’aller chercher un territoire complètement différent sur lequel on sera capable de convertir à la fois tous ces joueurs qui sont déjà des joueurs existants et d’aller en rencontrer d’autres différents. C’est d’autant plus criant sur le salon où l’on a un concentré de tous les jeux de tous les line-ups disponibles de voir un gros bloc d’un côté, et Nintendo avec plein de développeurs et plein de studios qui ont envie d’aller prendre un grand bol d’air frais.

Quelle est votre perception de la Wii par rapport à ses concurrentes ? Complémentaire, concurrence frontale, à qui se destine-t-elle principalement ?

Ma perception aujourd’hui de la Wii c’est que je ne vois pas un joueur qui aime le jeu vidéo qui soit capable de s’en passer. On sait aujourd’hui déjà que parmi les joueurs, le multi-équipement est une réalité, notamment avec la GameCube. C’est logique chez les joueurs qui sont curieux et qui ont envie d’avoir de nouvelles expériences. Au vu de cet état de faits, je ne vois pas comment ils pourraient se passer de la Wii. En même temps, pour moi la Wii est la seule machine qui sera capable d’aller chercher d’autres gens et donc d’élargir le marché.

Quels sont les trois jeux Wii qui vous ont le plus marqué ?

Je ne les ai pas encore tous essayés. J’ai donc un peu de mal à répondre à votre question. Mon problème, c’est que j’ai pris beaucoup de claques, je me suis retrouvé dans une situation dans laquelle je ne m’étais pas retrouvé depuis longtemps. Je me rappelle de l’impression que j’ai eu quand j’ai branché ma première console de jeu vidéo sur la télévision et que j’ai allumé la console pour jouer. Cette impression là, c’est celle que j’ai eue lorsque j’ai pris la manette. Je suis un grand fan de Zelda et je le mets hors-catégorie mais le gameplay de Zelda avec la Wii est incroyable. J’ai trouvé le nouveau Mario extraordinaire avec la manette de la Wii, et j’ai beaucoup aimé l’utilisation de Ubisoft sur Red Steel. De même, je n’avais jamais joué de ma vie à un jeu de football américain, j’ai tâté du Madden, ca donne envie, j’ai aimé faire du base-ball et pourtant je n’en avais jamais fait de ma vie et j’ai eu quelques parties intéressantes avec certains journalistes au tennis ; on a encore des comptes à régler et on va donc y retourner.

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