On aimerait parfois que les concepteurs de jeux à destination de la Wii oublient le côté familial de la console et laissent leur imagination prendre le dessus. Hudson et Konami viennent d’exaucer notre vœu, en cette saison d’automne, avec A Shadow’s Tale qui, s’il n’est pas sans rappeler ICO de Fumito Ueda, plonge le joueur dans une aventure onirique. Une aventure différente, simplement.
Tout commence en haut d’une mystérieuse et effrayante tour. Un garçon, emprisonné, subit la violence de son bourreau quand, soudain, celui-ci sépare, d’un coup d’épée, le corps et l’ombre du jeune martyre. L’ombre est jetée en contrebas de la tour, où elle se réveille quelques instant plus tard, avec un seul objectif en tête : gravir les cinquante étages de la tour et retrouver sa moitié physique.
Entre ombres et lumières
Si l’on ignore tout de cet étrange univers, du héros, des raisons qui l’ont conduit à être la victime de son bourreau, on fait bien vite connaissances les mystères, les pièges et les monstres que cachent la tour.
Basé sur le principe de la plateforme, A Shadow’s Tale invite également le joueur à de l’exploration et à de la réflexion. Pour avancer dans le jeu, il faut non seulement sauter de plateforme en plateforme et combattre des adversaires redoutables, mais également résoudre des énigmes. Jusque là, rien de bien compliqué, me direz-vous. Seulement voilà… Dans le jeu, tout n’est qu’ombres. Vous ne contrôlez pas directement le personnage, vous contrôlez son ombre. Et en tant que tel, le héros ne peut interagir ou déplacer les objets. Vous ne sautez pas d’une plateforme à une autre, vous vous déplacez sur les ombres projetées par les décors. Comment faire, alors, pour activer les divers mécanismes et interrupteurs plantés sur le chemin ? Comment faire pour atteindre des hauteurs qui paraissent inatteignables ? Comment faire pour franchir des distances qui semblent infranchissables ? Comment déjouer les pièges ?
Tout simplement en jouant avec les ombres, les lumières et les perspectives. Doté de votre WiiMote et de votre Nunchuck, déplacez le héros dans différentes directions, de manière à changer les ombres de place, de grandeur, de largeur, de hauteur. Il arrivera ainsi que les ombres d’objets très éloignés au premier plan, se retrouvent côte à côte et vous permettent de franchir l’obstacle.
Vous pouvez également compter sur l’aide d’une drôle de petite fée (liée au pointeur), rencontrée en cours de route, qui pourra si besoin déplacer les sources de lumière et/ou les objets afin de modifier leur ombre.
Bien évidemment, un temps d’adaptation assez conséquent est nécessaire pour réussir à gérer correctement les déplacements et actions de notre héros en forme d’ombre. Mais une fois le coup de main pris, le niveau de difficulté de l’aventure se révèle plutôt aisé, de même que les puzzles à résoudre.
Une âme perdue dans l’obscurité
A l’aspect plateforme du jeu, s’ajoute le côté aventure et exploration. Notre héros, dont on ignore toujours le nom, va devoir franchir chaque étage de la tour en combattant des monstres très réussis, et parfois graphiquement effrayants. Armé de l’épée découverte au début du jeu, le héros se débarrassera des méchants pour continuer sa quête et récupérer trois “Yeux”, qui permettront d’ouvrir une porte vers le niveau suivant. Le gameplay évolue au fil du jeu et les mécanismes à activer deviennent de plus en plus compliqués. A chaque victoire sur son adversaire, le personnage engrange de la force et renforce sa jauge de vie. Plus il gagne de combats, plus son âme est renflouée, plus elle devient puissante et expérimentée pour mieux combattre les ennemis.
Le héros aura également l’occasion de ramasser des Mémoires, au nombre de 90, disséminées ici et là dans les étages de la tour. Non seulement permettent-elles d’augmenter la jauge de vie, mais elles sont également des clés vers une (meilleure) compréhension de l’histoire.
La tour renferme les Couloirs de l’Ombre. Ces salles projettent le joueur dans un univers parallèle dont il faudra réussir à sortir, en résolvant des énigmes, pour poursuivre l’aventure.
En approchant de la fin de l’aventure, le personnage a le pouvoir de naviguer entre le monde des ombres, de l’obscurité, et celui de la lumière. En franchissant le seuil de portes dorées, il pourra explorer les environnements “normalement” et activer des mécanismes, découvrir des endroits qui lui étaient jusqu’alors interdits. Cette évolution du gameplay permet de rallonger considérablement la dizaine d’heures de jeu nécessaires pour boucler l’aventure. Des quêtes supplémentaires, des énigmes inédites, des secrets oubliés, font leur apparition et envoient le joueur explorer encore plus profondément l’univers de A Shadow’s Tale.
A Shadow’s Tale est une plongée dans un univers étrange et poétique, fait d’ombres profondes et de lumières saturées. Seuls les joueurs les plus difficiles se montreront insensibles au soin apporté à la création de cette ambiance onirique et inquiétante. Inquiétante comme les monstres, particulièrement réussis, qui jonchent le parcours du héros. Evidemment, l’aliasing, omniprésent tout au long de l’aventure, est le gros point faible du jeu. Mais bon nombre de joueurs, transportés par le level design, la musique discrète mais envoûtante, l’esthétisme et l’ambiance si particulière du jeu, passeront outre la réalisation un peu faiblarde.
Conclusion
Sous couvert d’un scénario minimaliste, A Shadow’s Tale se révèle bien plus riche et passionnant qu’on imaginait. Savant mélange de plateforme, d’aventure et de réflexion, le titre jouit d’un gameplay inventif et évolutif, qui permet de maintenir et de renouveler sans cesse le plaisir de jouer.
En dépit de quelques longueurs et défauts techniques, le joueur plonge irrémédiablement dans l’aventure sombre et poétique du jeune héros et se prend d’affection pour ce jeu atypique et inspiré, comme on aimerait en voir plus souvent sur Wii.
Note : 15/20