Marketing Magazine a interviewé le directeur Marketing de Nintendo France ( à qui nous passons le bonjour ) Mathieu Minel. Il répond donc à leurs questions. Bonne lecture :
Marketing Magazine : Les ventes de la console de jeux vidéo Wii de Nintendo ne connaissent pas la crise. Quel a été le rythme des lancements en 2008?
Mathieu Minel : Cette année, nous avons lancé près de deux produits par mois pour chaque console. Soit entre 17 et 18 jeux pour chacune. Sur Nintendo DS, nous terminons l’année avec 700 titres disponibles et 300 sur notre console Wii.
Quel est le produit le plus emblématique ?
Sans hésitation, le jeu Mario. Le personnage existe depuis 1986 et demeure toujours en tête des ventes. Il représente le deuxième achat des non-gamers qui rentrent dans l’univers des jeux vidéo avec l’acquisition d’un jeu de mémoire ou de sport. Aujourd’hui, nous sommes toujours dans un esprit de conquête de nouvelles cibles. Par exemple, nous avons lancé un volant adapté pour Mario Kart Wii, titre qui marche le mieux. Nous élargissons ainsi encore le nombre d’utilisateurs.
Quel a été votre lancement majeur en 2008 ?
Wii Fit, qui a été conçu pour aider le joueur à prendre conscience de sa condition physique. Ce jeu, qui propose de garder la forme tout en s’amusant, a représenté une nouvelle étape dans le sens où nous avons, encore une fois, séduit une nouvelle population de parents, mais aussi de grands-parents.
Nintendo recense le plus grand nombre d’utilisateurs individuels de consoles par foyer. Comment expliquez-vous ce succès ?
Sur la Wii, nous avons, en effet, comptabilisé 3,4 utilisateurs par foyer au niveau mondial. Et sur la DS, plus de trois. Notre croissance résulte clairement de notre stratégie qui consiste à viser tous les publics – notamment plus âgé et plus féminin que les gamers traditionnels – afin que chaque personne d’un même foyer possède une console.
Wii Music, commercialisé depuis le 14 novembre, a été un gros lancement. Quel est son principe ?
Comme avec Wii Fit, Wii Music a pour objectif de faire entrer une nouvelle sphère dans les jeux vidéo. Et donc d’élargir encore le jeu à de nouvelles populations. Jusqu’à présent, les jeux musicaux étaient purement des jeux de rythme qui consistaient à reproduire des chansons existantes. Avec Wii Music, les utilisateurs peuvent avoir la sensation de composer. Nous souhaitons que chacun puisse s’initier à la musique sous toutes ses formes sans aucun complexe et en s’amusant. Dans Wii Music, il y a une idée de recherche de mélodies et d’arrangements qui n’existe pas encore dans les jeux proposés par nos concurrents. Il est ainsi possible de rejouer l’Hymne à la Joie de Beethoven en version reggae ou encore un titre de Kool and the Gang arrangé façon électro! C’est là une nouvelle étape qui confirme que la Wii n’est pas une console comme les autres.
Pourquoi avoir sorti Wii Music cette année ?
Tout simplement, parce qu’au bout de deux ans d’existence de la Wii, il fallait fournir de nouvelles activités à faire en famille, notamment en cette période de fêtes de fin d’année.
Comment avez-vous accompagné ce dernier lancement de l’année ?
Chez Nintendo, quand les produits sont compliqués, nous les accompagnons de grandes campagnes de communication segmentées dans le temps avec des informations enrichies au fur et à mesure. Cela a été le cas pour Wii Music. Dès le 1er novembre, nous avons commencé à expliquer que l’on pouvait jouer de la musique sans instrument, mais seulement avec la télécommande.
Lors d’une deuxième étape, nous avons montré que faire de la musique à plusieurs était possible, notamment via Wii Music. Tout au long du mois de décembre, nous allons continuer à expliquer le concept et à pousser les joueurs à toujours plus de créativité. Cette campagne est encore visible à la télévision, mais aussi, pour la première fois, dans la presse magazine, notamment culturelle et féminine.
Wii Music a-t-il bénéficié d’une campagne plus importante que d’autres produits ?
En fait, non. La plupart de nos produits bénéficient d’un plan de lancement relativement long et musclé. Nous nous sommes rendu compte que, pour émerger, il fallait un discours très simple mais répété sur plusieurs mois pour présenter les produits, étape par étape.
Avec ce nouveau jeu, allez-vous une fois de plus toucher des populations qui ne sont pas des pure gamers ?
En effet. Nous avons réalisé des tests marketing au Japon à la suite du lancement du produit. Les cibles qui réagissent le mieux à Wii Music sont des publics féminins, notamment des mamans, qui souhaitaient faire comprendre à leurs enfants comment fonctionne la musique.
Le ressenti est-il le même en France et au Japon ?
Nous constatons très régulièrement que les réactions sont similaires dans les deux pays. Ce qui marche au Japon fonctionne aussi en Europe. Les développeurs essaient donc d’être universels en créant des jeux qui plaisent au plus grand nombre. Nos dernières créations, Wii Sport, Wii Fit et Wii Music viennent toutes des passions et des intérêts personnels de notre concepteur en chef, Miyamoto. Elles ne sont jamais issues d’études de marché. Le principe est le même pour ces trois produits, celui de rendre les gens plus actifs et de les faire progresser en famille.
Il y a toujours cette idée de progression dans vos jeux…
Un grand nombre de nos produits ont intégré cette idée, que ce soit dans le domaine du sport ou de la musique.
Nous voulons en effet viser tous les publics, les gamers comme les non gamers. Nous l’avons confirmé avec Wii Sport dont l’objectif était de permettre à toute la famille de s’adonner à tous les sports. C’est également le cas de Wii Fit qui a été achetée par des publics larges, notamment de nombreuses femmes.
Le programme d’entraînement cérébral sur DS a également été très bien reçu par les femmes.
Oui. Ce public féminin a aussi été conquis par les jeux de mémoire. Notamment les secrétaires japonaises qui en ont aussitôt parlé autour d’elles. Il y a donc eu un effet boule de neige.
Comment expliquez-vous cette arrivée massive de nouveaux publics ?
L’aspect convivial de nos consoles Wii mais aussi de nos DS est l’une des premières raisons. Associer un écran et un stylet a permis de conquérir une population jusque-là hermétique aux jeux vidéo, puisque nous avons réussi à créer une proximité avec l’utilisateur. Le fait de caresser un chien sur une console (avec Nintendogs, NDLR) a suscité un effet de bouche à oreille, notamment sur les femmes qui ont été séduites par cette relation avec l’objet lui-même. Une console n’est pas qu’un processeur central, mais aussi une interface. C’est par ce biais que nous sommes arrivés sur le terrain de la convivialité, de la simplicité, de l’intuitivité. Les modes de consommation ont évolué. Nos développeurs, en travaillant sur de nouveaux produits, repensent donc continuellement l’expérience du jeu.
Beaucoup de vos lancements (cours de cuisine ou de langue, exercices de la mémoire, etc.) s’éloignent des jeux vidéo purs. Pourquoi ?
Nous travaillons sur des genres déjà existants sur les PC, tout en ajoutant un côté ludique. Nous essayons toujours de créer des produits engageants et pas seulement éducatifs. Les exercices de programme cérébral sont des exercices classiques de neurologie rendus très engageants car il n’y a jamais cette idée de compétition. C’est une caractéristique très spécifique de Nintendo. Il en est de même pour les cours de cuisine qui rencontrent un grand succès, puisque nous avions vendu 80 000 jeux début novembre.
Nouez-vous des partenariats avec d’autres secteurs ?
Nous n’en avons pas noué en Europe, contrairement aux Etats-Unis, où Nintendo s’associe à certains hôtels, ou au Japon où des DS sont disponibles dans des musées et des parcs d’attractions. Ces partenariats nous permettent de poursuivre toujours un même objectif: celui de surprendre et de viser de nouveaux publics.
Le placement produit est de plus en plus courant dans votre secteur. Qu’en pensez-vous ?
Certains éditeurs les intègrent, en effet. Ils sont libres de le faire, mais cela ne rentre absolument pas dans la stratégie de Nintendo. Nous y sommes même fermement opposés. D’autant qu’à travers le graphisme de nos produits, nous ne voulons pas être trop proches de la réalité. Nos Mii – personnages créés par les joueurs de Wii – ne sont d’ailleurs pas réalistes, mais plutôt proches de la caricature. Il n’y a donc aucune raison pour que nous rentrions dans ces stratégies de placements produits.
Pouvez-vous nous dévoiler vos projets pour 2009 ?
L’année prochaine, nous allons continuer à faire évoluer la façon dont les gens jouent avec nos consoles. D’abord avec le lancement d’un modèle à deux écrans, baptisé DSi. Ce dernier est équipé de modules caméra à l’avant et à l’arrière, et d’un lecteur audio. L’idée consiste cette fois-ci à faire jouer différemment avec toujours plus d’interactivité. La DSi est en effet capable de se connecter à Internet et de communiquer avec ses pairs, ce qui permet de réaliser des mini animations à partager. Un nouveau jeu, Wario Ware, va également sortir dans les prochains mois, dans lequel les joueurs vont construire leur propre configuration en intégrant leurs données au fur et à mesure de la partie. Plus généralement, les développeurs construisent désormais des outils pour que les joueurs intègrent leurs propres photos et leurs propres enregistrements.
Votre objectif est clairement de faire jouer autrement.
Oui. Un site, baptisé DSware, sera également accessible uniquement à partir de la console DSi où chacun pourra échanger ses personnages, ses jeux, ses sons. Le jeu vidéo ne se réduit pas à une série de boutons. Nous continuerons donc, en 2009, à proposer des explosions créatives et à surprendre le plus grand nombre, toujours dans la veine des amusements familiaux faciles à comprendre et à la portée de tous.
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