A l’occasion de la journée de découverte de Red Steel 2 dans les locaux d’Ubisoft Montreuil, nous avons posé avec Nintendo Master et Puissance Nintendo des questions à Roman Campos Oriola, lead game designer sur Red Steel 2. Cette interview revient sur tous les aspects du gameplay, notamment le fonctionnement du jeu et l’utilisation du WiiMotion Plus.
Quel est votre rôle au sein du développement de Red Steel 2 ?
Je suis game designer, c’est-à-dire que je suis en charge de toute la partie gameplay du jeu : contrôle du joueur, caméra, actions du joueur, intelligence artificielle, combos, en fait tout ce qui est lié au gameplay mais beaucoup moins le scénario et les cinématiques.
Comment s’est passée l’intégration du WiiMotion Plus ? Il s’agissait d’une idée de départ ?
Il faut savoir que l’on a commencé la conception de Red Steel 2 peu après la sortie du premier Red Steel. Nous ne voulions pas simplement faire une suite “1.5” en améliorant les contrôles et en ajoutant 10 niveaux mais une vraie suite. On a fait beaucoup de prototypes durant un an et demi, en faisant des play-tests et en cherchant de nouvelles idées de gameplay qui justifieraient vraiment un nouvel épisode. Lorsque Nintendo a annoncé le WiiMotion Plus, nous avons compris qu’il était possible de faire un vrai Red Steel 2 et pas juste une amélioration du premier. Bien sûr, déjà il permet de faire une bonne réplication des mouvements mais cela ne suffit pas car cela voudrait dire que l’on fait dans le 2 ce qu’on voulait faire dans le 1. Ce qui a fait que Red Steel 2 est seulement jouable avec le WiiMotion Plus est que l’on est capable de détecter la puissance, d’encourager l’acting chez le joueur, c’est-à-dire que je ne fais plus des grands mouvements parce que c’est joli de les faire mais parce que réellement le jeu me demande de le faire et que si je ne le fais pas, ça ne marche pas. C’est un premier point et le deuxième est qu’il nous a permis de débloquer un problème que l’on avait. Lorsque l’on joue avec une épée sur Wii, on a envie d’utiliser la Wiimote et non le nunchuck, pareil avec le pistolet. C’est quand même cool de viser l’écran. En fait, toutes les problématiques de comportements hors de l’écran, de récupérer le pointeur, ont été grandement simplifiées et améliorées grâce au Wii MotionPlus. Ces deux points là nous ont convaincu du bien-fondé de cette suite. L’idée de base était l’idée de puissance et d’amélioration des contrôles hors de l’écran (pertes de signal).
Pourquoi avoir choisi ce style graphique ?
Nous voulions nous démarquer de l’aspect next-gen. Le problème de Red Steel 1 est que nous avions essayé d’aller dans un aspect de shooter “réaliste”, d’un point de vue graphique, et que nous étions alors comparés à des jeux 360 ou PS3. Dans le 2, notre objectif est d’aller dans un style graphique permettant de faire quelque chose de joli, d’intéressant et sans être contraint d’essayer de faire quelque chose de réaliste.
Reste-t-il tout de même un point commun entre les deux jeux ?
Le point commun entre les deux est véritablement le mélange épée/flingue.
Avec Red Steel 2 vous semblez avoir trouvé le bon univers. Si Red Steel 3 il y a, est-ce que l’environnement restera le même ou est-ce qu’au contraire cela importe peu ?
L’avenir le dira (rires). Les piliers de la “marque” Red Steel sont le principe du jeu de combat en première personne avec cette notion de physicalité. C’est avant-tout ça qu’il retranscrirait. Après les settings, les personnages, il peut y avoir un lien ou pas…
Cela peut-être un pistolet laser et un sabre laser (rires).
Pourquoi pas un pistolet à poudre noire et un sabre de pirate !
Quelles ont été les contraintes techniques pour implémenter le Wii MotionPlus ? Est-ce que Nintendo vous a aidé ?
Oui, Nintendo sur l’intégration du WM+ a été assez présent et nous avons beaucoup communiqué avec eux. C’était très appréciable. Très tôt nous avons eu un hardware assez avancé avec surtout une documentation et des outils de développement complets. De ce point de vue là, Nintendo a été vraiment d’un bon support et nous a permis d’avancer rapidement.
Aviez-vous commencé à travailler sur la WM+ avant son annonce ?
Non, nous avons commencé à travailler dessus à partir de ce moment-là.
Pouvez-vous revenir sur le fonctionnement du jeu ?
L’idée est que le jeu est à séparer en deux au niveau de la navigation : des moments plus linéaires comme l’introduction où l’on va plutôt diriger le joueur avec un objectif principal et des zones un peu plus ouvertes où le joueur va avoir des bases à visiter. De ces bases le joueur pourra prendre des missions et aller explorer les alentours et revenir à chaque fois à ces bases. Avec cette idée que le joueur peut toujours revenir à ses bases et utiliser l’argent récolté pour acheter de nouvelles capacités différentes, des armes…
Comment fonctionne ces magasins, ils ne sont situés que dans les bases ?
Encore un peu de patience, on ne va pas tout dévoiler tout de suite (rires) !
Pourquoi ne pas avoir ajouté un mode multi-joueurs ?
C’est un choix que l’on a fait assez tôt dans le projet. Ce n’est pas du tout que l’on pense que le multi-joueurs n’est pas cool, au contraire, je serai preneur ! La problématique a été de se demander ce qui, pour nous dans ce jeu là, était la partie la plus importante et à laquelle nous devions nous consacrer complètement. En fait, très tôt, ce qui nous a paru important est le personnage et ce qu’il est capable de faire et derrière l’aventure qu’il allait vivre et la qualité des interactions qu’il allait pouvoir faire. L’aventure solo en somme. Nous avons donc de suite fait le choix de nous concentrer sur cette aventure solo, en mettant toutes les ressources du projet là dessus plutôt que d’avoir un multi moyen et une aventure moins bonne.
Vous avez déjà une idée de la durée de vie du jeu ?
C’est assez difficile de donner un ordre de grandeur. Ce qu’on met avant tout en place est le principe des différents niveaux de difficulté, pas simplement avec des ennemis qui tapent plus fort et le joueur qui a moins de points de vie. Ces niveaux sont vraiment basés sur l’ajout ou la suppression de la nécessité d’action du joueur. Par exemple certains ennemis demandent de faire des parades spécifiques. En “easy”, cette nécessité est supprimée. Avec le système de missions, l’idée est aussi d’offrir du contenu additionnel qui ne soit pas sur le chemin critique (passage obligatoire) du joueur pour avoir de la rejouabilité. Tant que nous n’avons pas fini de développer ces aspects, il est difficile d’estimer la durée moyenne du jeu.
Nous avons aperçu un élément de gameplay : les “pouvoirs”. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Il faut faire la distinction entre deux choses : il va y avoir de vrais “super-pouvoirs”, à la limite du fantastique, que le joueur va être amené à débloquer en fonction du scénario et de sa progression, et il va y avoir toute une série de combos dont le “finish kill” qui est un avant-goût, qui seront eux beaucoup plus nombreux que les pouvoirs du joueur. Ils sont basés sur des petits inputs (par exemple je lâche le bouton et je vais dans une certaine direction, des sortes de petits combos de touches ou de mouvements). Le joueur pourra les combiner un peu comme il veut et pourra les débloquer au fur et à mesure de ses missions et va pouvoir en acheter de façon optionnelle dans les magasins.
Avec les combos, le jeu semble assez technique. S’adresse-t-il à un public large ou vraiment au hardcore-gamers ?
Avant-tout, il faut savoir que la démo présente les différents éléments de manière condensée alors que dans le jeu final, ces éléments seront étalés sur une demi-heure ou une heure de jeu. La démo permet de montrer ce que le jeu permet de faire. Dans le jeu final, cela sera plus délayé pour laisser au joueur le temps de prendre ces choses-là en main. Nous avons fait un choix sur la complexité des contrôles, de proposer par défaut le “lock” des ennemis. Par défaut dans un mode de difficulté assez faible, je n’ai finalement même pas à me soucier de ma main gauche. De ce point de vue là, on met en place un jeu qui est progressif au niveau de la difficulté. Si je veux m’investir plus dans ce que je fais, j’y trouve mon compte. Si je veux juste voir des jolies cinématiques et qu’on me raconte une histoire et envoyer des mecs en l’air, je peux aussi m’y trouver mon compte.
Comment réagissez-vous aux ventes en demi-teinte de MadWorld et d’autres jeux “gamers” ? Avez-vous peur pour Red Steel 2 ?
Je ne dirai pas que cela nous fait peur. On est plutôt déçu qu’il n’ait pas trouvé un public à la hauteur de sa qualité car MadWorld est un super jeu. Ce qu’on remarque pour Red Steel 1, malgré les défauts du titre, est que nous avons eu un bon taux de pénétration car le jeu a une promesse qui appelle le hardcore-gamer qui sommeille en nous et que le jeu parle aussi à un plus grand nombre. Cette notion de Katana, ce côté un peu western avec des flingues, fait davantage “rêver” que du gore. C’est aussi pour ça que nous n’allons pas dans le gore ou le démembrement parce que, effectivement cela fait rêver le hardcore, mais cela fait moins rêver le plus grand nombre.
Le problème de MadWorld est qu’il s’adressait à un public trop restreint ?
On essaie d’aller dans un aspect un peu plus grand public. L’avenir nous dira si c’est perçu comme cela mais personnellement j’ai l’impression qu’un jeu basé sur l’univers western et sur les films asiatiques n’est pas spécialement grand public, enfin davantage grand public mais pas dans le sens péjoratif habituel. Dans le cinéma cette connotation n’existe pas. L’exemple de Kill Bill est frappant : il s’agit d’un film de nerd avec du sang, mais il a été finalement très grand public parce que le film asiatique de sabre est quelque chose qui est rentré dans les moeurs. Avec notre setting, l’idée est de faire appel à ces trucs cool de western et en même temps d’apporter des éléments qui ramènent à la réalité. Ce n’est pas dans le futur mais maintenant, un maintenant un peu changé mais cela reste maintenant (il y a des distributeurs de canettes par exemple). On essaie d’en donner un peu pour rêver tout en gardant quelque chose qui permet de te dire que je sais où je suis. C’est une approche différente de MadWorld.
Le personnage est amené à explorer. Est-ce qu’il aura des moyens de se déplacer plus vite, avec des véhicules par exemple ?
(rires) Pour l’instant je ne peux pas faire de commentaire là-dessus. Ce qu’on a présenté concerne les 10 premières minutes de jeu. Ce que je peux vous dire de sûr c’est que nous n’allons pas faire n heures de jeux avec “juste” ça. Je ne peux pas griller toutes mes cartouches de suite !
Nous avons vu que la jaune de vie de recharge toute seule après chaque combat. Est-ce qu’il y a une évolution au niveau de cette barre ?
Pour revenir sur la mécanique des magasins, le joueur ne va pas simplement être capable d’acheter de nouvelles armes, de les upgrader mais il sera aussi capable d’améliorer son joueur en tant que tel, c’est-à-dire du classique j’augmente ma barre de vie ou je rajoute de l’armure et d’autres choses à découvrir plus tard.
Revenons au style graphique. Cela ressemble fort à du cel-shading ?
En fait le cel-shading est devenu un mot qui veut dire tout et n’importe quoi. A la base, il s’agit d’une technique d’éclairage, avec des aplats de couleur. On ne fait pas de cel-shading. On a des textures dessinées, pas basées sur des photos, qui donnent ce rendu plutôt cartoon/comics. Le cel-shading sont des faces en aplats de couleur, avec du détourage. Nous n’avons pas été dans ce sens là mais notre objectif était d’aller vers du comics, vers les BD américaines.
Dans Red Steel 1, on se souvient de phases très belles. Pour le 2, les graphismes semblent avoir été beaucoup travaillés. Est-ce que vous pensez être arrivé maintenant au plafond de la Wii ?
C’est difficile de dire car ce qu’on voit dans la vie d’une console est que le plafond de la machine augmente tous les 6 mois. Maintenant, pour la connaissance qu’on a de la console, on pense être allé assez loin. L’évolution que j’ai vue entre le moteur de Red Steel 1 et 2 est que l’on en voit beaucoup plus, déjà, au niveau de la qualité des textures. Par contre on ne peut pas affirmer avoir atteint les limites de la machine.
Ce qu’on a essayé de faire avec Red Steel 2 est de mettre le plus de ressources possibles sur les ennemis, sans trop dégrader les décors, c’est pour cela d’ailleurs que les scènes de combat sont moins détaillées qu’une phase d’exploration. Je suis très fier, d’un point de vue technique, d’être à 60 frames par seconde alors que Red Steel 1 plafonnait à 30. C’est un aspect extrêmement important pour ce qui est déplacement du pointeur. De ce point de vue là, on a beaucoup évolué. Il faut savoir que plusieurs ennemis peuvent vous attaquer en simultané, 2 en visuel et 1 par derrière. Dans la même zone il peut bien sûr y avoir davantage d’ennemis qui s’échangent “le droit” d’attaque pour dynamiser les combats.
Merci d’avoir répondu à nos questions !
Merci à vous !
Merci à Roman Campos Oriola et à toute l’équipe d’Ubisoft.
Merci à Thomas de Puissance Nintendo qui assuré la retranscription de l’interview.